Le rôle de la nutrition dans la dépression
Le syndrome dépressif est un trouble psychiatrique majeur qui peut toucher n’importe qui à n’importe quel âge. Si l’alimentation ne peut être seule mise en cause dans cette maladie, par leurs habitudes, certaines personnes sont plus impactées que d’autres.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré en 2019 que plus de 280 millions de personnes souffrent d’un trouble dépressif majeur et que la dépression est l’un des principaux problèmes mentaux. Le trouble dépressif majeur est responsable d'environ 800 000 suicides par an.
La dépression dans le monde
Le trouble dépressif peut toucher tout le monde et à tout âge. Près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie. Ainsi, on estime qu’il atteint entre 11,2 à 11,4% des 15–44 ans, 8,4 % des personnes parmi les 55–64 ans, et 5,5 % parmi celles âgées de 65–75 ans. En termes de coût, la dépression a un fort impact : elle représente 1% de l’économie totale de l’Europe. Elle est un facteur de risque du diabète, des maladies cardiaques chroniques et augmente le risque de mortalité.
Part de la population souffrant de symptômes dépressifs en 2017 (source : Ouest France : Quelle part de la population souffre de symptômes dépressifs en Europe ?)
Environ un tiers des patients souffrent de dépression résistant aux thérapies pharmacologiques typiques. La combinaison avec une psychothérapie atténue les symptômes et réduit les taux de rechute. Mais, chez une partie des patients, une résistance significative aux traitements persiste. D'autres options thérapeutiques telles que les médicaments antipsychotiques atypiques, la thérapie par électrochocs ou la kétamine peuvent avoir des effets secondaires gênants, nécessiter un spécialiste psychiatrique ou ne pas être largement disponibles.
Il est donc important d’investiguer d’autres pistes de prise en charge. Des études ont démontré que les personnes en dépression ont une alimentation malsaine comparée aux personnes ayant une bonne alimentation. Comme certains nutriments jouent un rôle dans le fonctionnement du cerveau, la nutrition peut constituer un nouvel ajout important à l’offre disponible d’interventions dans la dépression.
L’importance de l’alimentation dans la dépression
Une mauvaise alimentation augmente le risque de dépression et les symptômes dépressifs, et ce quel que soit l’âge, alors qu’une alimentation saine réduit le risque d’apparition de la dépression, ainsi que des symptômes dépressifs. La consommation de restauration rapide, de ketchup, de mayonnaise, de céréales raffinées, de quantités élevées de sucre et de graisse, d’une nourriture de mauvaise qualité, d’un apport inadéquat en protéines et des repas irréguliers, ainsi qu’une faible consommation de fruits et légumes augmentent le risque de dépression et est corrélée à des symptômes plus graves.
Inversement, il a été observé que le risque de dépression diminue chez les femmes ayant une consommation plus élevée d’aliments tels que les légumes, les fruits, les œufs, les noix et l'huile d'olive. Dans une autre étude, il a été mis en évidence que l’importance des symptômes diminue avec l’adoption d’un régime méditerranéen et qu'une consommation adéquate de fruits et légumes diminuait la prévalence de la dépression.
Le rôle protecteur réel ou supposé de certains nutriments
Les oméga 3 ont un rôle important dans le fonctionnement du cerveau (l’inflammation des cellules du cerveau, la fabrication de nouveaux neurones et la communication entre les nerfs et les muscles lors des mouvements). Un rapport élevé d'oméga 6 par rapport aux oméga 3 est lié à la dépression. Les oméga 6 sont la source de molécules qui induisent une inflammation dans le cerveau, source de dépression (voir Dépression et inflammation, les deux faces d’une même pièce). Les oméga 3 sont à l’origine de molécules anti-inflammatoires qui contrecarrent les effets de l’inflammation et donc minimisent les risques de dépression ou ses symptômes. Une dose de 1000 à 1500 mg par jour apparaît être efficace. On les trouve notamment dans les poissons gras.
La vitamine D joue un rôle dans la production de la sérotonine, empêcherait sa recapture et a un rôle antioxydant et régulateur du système immunitaire. Tous ces effets sont protecteurs contre la dépression ou diminuent les symptômes. Surnommée « l’hormone du bonheur », la sérotonine est un neurotransmetteur qui joue un rôle important dans la régulation de l'humeur, de l'anxiété, du sommeil, de l'appétit et d'autres fonctions biologiques. Un déficit en vitamine D peut donc amener à un état dépressif. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux établir le rôle de la vitamine D dans l'anxiété, ainsi que les possibles mécanismes d’action. Elle est produite lorsque l’on s’expose au soleil, et on en trouve dans le poisson, les œufs, le foie, les produits laitiers et les avocats.
La carence en vitamine B12 jouerait un rôle dans la formation de la dépression avec ses effets sur le système adrénergique (anciennement nommé système nerveux sympathique), système glutamatergique (rôle excitateur primordial dans le cerveau), système sérotoninergique (rôle dans l’humeur, le sommeil et le bien-être général) et système dopaminergique (joue un rôle majeur dans la locomotion, la motivation et les processus cognitifs). Cependant, plus d’études sont nécessaires pour clarifier ce rôle. On la trouve principalement dans les aliments d'origine animale, comme les œufs, les produits laitiers, les viandes et abats, les poissons et les crustacés.
Les trois principaux neurotransmetteurs impliqués dans la dépression (source : Sahar Qazi, The eeyore syndrome : major depressive disorder)
Le déficit en vitamine B6 est un cofacteur susceptible d’avoir un rôle dans la dépression, en affectant les neurotransmetteurs, telles que la sérotonine et la noradrénaline dans le cerveau. Il a été observé qu’une consommation trop faible en vitamine B6 augmentait le risque de développer une dépression et de souffrir de symptômes plus importants. Chez le rat, un apport en vitamine B6 protège de la dépression. On la trouve essentiellement dans les abats (foie, rognons), viandes de porc et de mouton, légumes secs, céréales, mais également dans les légumes verts frais, la banane, les œufs et les produits laitiers.
On sait que l'acide folique (ou vitamine B9) contribue à la récupération de la dépression en augmentant l’efficacité des antidépresseurs. Une chute du taux de vitamine B9 est associée à une chute du taux de certains neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine et norépinéphrine), cette chute causant la dépression. Chez la souris, la complémentation en acide folique prévient l’apparition de la dépression. On en trouve dans les légumes verts (épinards, brocoli, cresson, mâche, oseille, avocat, courgette, haricot vert, petits pois…) et les fruits rouges (fraise, framboise, cerise).
Le magnésium est neurologiquement important car il joue un rôle dans la conduction nerveuse et la communication entre les nerfs et les muscles lors des mouvements. Il existe une relation entre les taux de magnésium et la dépression, et une supplémentation en magnésium peut améliorer les symptômes dépressifs chez les personnes ayant de faibles taux. Chez les femmes, une alimentation plus riche en magnésium est associée à des niveaux d’anxiété plus faibles. 320 mg/jour d'apport en magnésium serait efficace pour réduire le risque de dépression.
Le sélénium joue un rôle important dans les mécanismes antioxydants du cerveau et du système nerveux, ainsi que dans le métabolisme thyroïdien. Certains troubles de la thyroïde sont associés à la dépression. Le sélénium a un effet protecteur contre le risque de dépression, notamment sur la prévention de l’inflammation et la modulation de la sérotonine, de la dopamine et de la noradrénaline. La complémentation en sélénium diminuerait les symptômes dépressifs. Les aliments les plus riches en sélénium sont la noix du Brésil, les poissons et les fruits de mer. Ensuite, viennent les viandes, les abats, les œufs, les légumes secs, les aliments céréaliers complets et les fruits à coque. La levure de bière peut compléter les apports.
Une carence en zinc peut provoquer une dépression en occasionnant des changements dans la transmission glutamatergique dans le cerveau. Il a été constaté que des personnes dépressives avaient un taux en zinc plus faible que les personnes en bonne santé. Une supplémentation de 30 mg de zinc sur 70 jours améliorerait ce taux, et ainsi améliorerait les symptômes dépressifs et anxieux. Le zinc est majoritairement présent dans les aliments d'origine animale, comme les fruits de mer, le foie, la viande rouge, le poisson, le jaune d'œuf et les produits laitiers crus.
Le cuivre est susceptible d’affecter la régulation des neurotransmetteurs, ainsi que la concentration et l’activation de la noradrénaline. Une étude montrerait une corrélation inverse entre la consommation de zinc et la dépression. Tous les aliments fournissent du cuivre, mais les plus riches sont les abats (le foie), les fruits de mer, les fruits à coque et le cacao. Viennent ensuite les volailles, les légumes secs et les aliments céréaliers complets. Certains régimes alimentaires contiennent tous ces nutriments protecteurs.
Les régimes alimentaires préconisés
Les régimes alimentaires méditerranéen, norvégien et japonais sont préconisés. Le régime méditerranéen traditionnel se caractérise par une abondance d'aliments d'origine végétale (fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses et noix), l'huile d'olive comme principale source de graisse, une consommation modérée de poisson, une consommation faible à modérée de produits laitiers et une faible consommation de viande rouge. Une alimentation japonaise saine est représentée par des apports élevés de légumes, fruits, produits à base de soja, champignons, algues, poisson et thé vert. Un régime alimentaire norvégien traditionnel se compose d'aliments comme les poissons et crustacés, les fruits, les légumes et les produits laitiers.
Des études nécessaires
La dépression est une maladie plurifactorielle qui demande donc une prise en charge holistique. Les thérapies ne sont pas toujours efficaces et ont des effets secondaires parfois importants. Bien que de nombreuses études aient été faites sur l’impact des habitudes alimentaires dans la dépression, de nombreuses autres sont encore nécessaires pour clarifier le rôle de certains nutriments dans les processus de la maladie.
Il est cependant déjà prouvé que de bonnes habitudes alimentaires améliorent l’état dépressif et peuvent préserver de la maladie. En augmentant nos consommations de fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses, noix et graines, et en évitant la restauration rapide, les produits de boulangeries commerciales et les confiseries, nous pouvons tous être acteurs de notre santé.
Sources :
- Gleicilaine A. S. Casseb et al. Potential Role of Vitamin D for the Management of Depression and Anxiety. CNS Drugs. 2019.
- INSERM. [En ligne] Paris : Dépression - Mieux la comprendre pour la guérir durablement. Publié le 06/12/2019. Cité le 08/10/2024. https://www.inserm.fr/dossier/depression/#une-maladie-transg%C3%A9n%C3%A9rationnelle
- R.K McNamara, Evaluation of Docosahexaenoic Acid Deficiency as a Preventable Risk Factor for Recurrent Affective Disorders: current status, future directions, and dietary recommendations. Prostaglandins Leukot Essent Fatty Acids. 2009.
- Current Status, Future Directions, and Dietary Recommendations. Prostaglandins Leukot. Essent. Fat. Acids 2009
- Gülseren Nur Ekinci, Nevin Sanlier. The relationship between nutrition and depression in the life process: A mini-review. Experimental Gerontology. 2023.
- R.S. Opie et al. Dietary recommendations for the prevention of depression. Nutritional Neuroscience. 2016.
- Anna Serefko et al. Omega-3 Polyunsaturated Fatty Acids in Depression. International Journal of Molecular Sciences. 2024.
- Nicolas Upton. Developing our understanding of nutrition in depression. British Journal of Nutrition. 2022.
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