L’ARN messager, ce nouveau héros

L’ARN messager, ce nouveau héros

Une cellule, c’est comme une grande usine toujours en ébullition. Lorsque l’on zoome sur la partie d’une de nos cellules appelée noyau, on y retrouve notre patrimoine génétique sous la forme de chromosomes. Ceux-ci sont notre ADN, enroulé et le plus possible condensé, afin qu’il ne prenne pas trop de place. Car non condensé, il mesurerait environ 2 mètres.

Schéma du noyau et ses chromosomes



Cet ADN renferme ce que l’on appelle des gènes, l’information pour synthétiser les protéines (Voir l’article « La protéine, cette star inconnue »). Lors de cette synthèse de protéine, deux grandes étapes s’opèrent : la transcription et la traduction. Ici, seule la traduction nous intéressera, car c’est lors de celle-ci que nous retrouvons l’ARN messager. Ce même ARN messager qui, avec l’émergence de vaccins l’utilisant contre le Covid-19, se retrouve sous le feu des projecteurs.


Comprendre ce qu’est l’ARN messager

Qu’est-ce qu’un ARN messager et à quoi sert-il ? Pour y répondre il faut se replonger dans le noyau de notre cellule en se positionnant au niveau de l’ADN, soit deux longs brins qui se complètent l’un et l’autre comme les pièces d’un puzzle via ce qu’on appelle des nucléotides. Ceux-ci vont par paire, le C (cytosine) avec le G (guanine) et le A (adénine) avec le T (thymine).

Ces deux brins, dits complémentaires, sont enroulés sur eux-mêmes. Un très gros ouvrier de la catégorie des enzymes rentre alors en action, l’ARN polymérase II. Il va ouvrir notre ADN en deux et produire en même temps une molécule qui, de loin, ressemble à de l’ADN mais qui est en réalité de l’ARN messager.


Schéma de la synthèse de l’ARN messager par l’ARN polymérase II

L’ARN messager est une molécule simple brin (contrairement à l’ADN qui en a deux), que l’on appelle transitoire car elle n’est que de passage dans notre cellule. Son rôle est de permettre la production des protéines.



L’ARN messager et le Covid-19, une relation intime

Le Covid-19 est un coronavirus. Celui-ci, une fois rentré dans notre corps, se dirige vers nos cellules pour y injecter son ARN (et non ADN) et s’y reproduire. C’est pourquoi, lors des tests de dépistage du virus nous parlons de tests RT- PCR, (RT pour Retro Transcriptase inverse et non juste PCR, pour Réaction de Chaine Polymérase). Une RT-PCR est utilisé pour l’ARN, alors qu’une PCR pour l’ADN. Ce test est le plus couramment utilisé et sert à déterminer la quantité d’ARN messager du virus présent dans notre corps.

Comment mesure-t-on la quantité d’ARN messager lors de cette RT-PCR ? Pour cela, les fameux prélèvements dans le nez sont effectués. S’ensuivent deux techniques : une où les laboratoires vont d’abord extraire l’ARN du prélèvement et l’autre qui sera directement étudié sans extraction.

Pour ce test RT-PCR, on utilise une machine appelée thermocycleur où on introduit différents éléments : un morceau d’ARN (fragment), deux petits brins permettant d’identifier les extrémités de notre morceau d’ARN (amorces), une enzyme permettant de « fabriquer de l’ADN à partir d’ARN (transcriptase inverse) et un peu d’énergie (dNTP). On obtiendra alors l’ADN qui aurait donné l’ARN étudié. Car oui, rappelons-nous que l’ARN provient de la transcription de l’ADN. Ici nous faisons machine arrière.

A partir de là, une PCR « simple » a lieu. On « casse » (dénaturation) notre ADN et on lui ajoute à ses extrémités des « morceaux » permettant de les identifier (un peu comme des cartes d’identité). Suit un premier cycle de « clonage de l’ADN » durant lequel nos deux brins d’ADN, jusqu’alors séparés, vont se voir synthétiser un nouveau binôme. On passe alors d’un double brin d’ADN à deux ADN double brins. Plus les cycles vont s’enchaîner plus le nombre de double brins d’ADN va augmenter. A la fin du 2e cycle nous en aurons 4, au 3e 8…


Schéma de la PCR


On peut donc facilement se dire que plus il y a de cycles, plus nous avons d’ADN et donc plus le test est sensible. Mais le rôle de l’ARN messager dans cette histoire du Covid-19 ne s’arrête pas là.

 

Un champ d’action en expansion

En effet, on parle beaucoup des différents vaccins en cours de validation pour contrer le virus. D’après le journal du CNRS, 180 vaccins sont en cours de développement dont 40 en phase clinique chez l’Homme, notamment le vaccin ARN du laboratoire Pfizer. Il faut comprendre que lorsqu’un ARN étranger entre dans notre organisme, il est immédiatement désintégré par nos enzymes. Lorsque l’on produit un vaccin (voir l’article « La vaccination, notre garde du corps » d’Anne Clerico), on essaie de préparer au mieux notre corps à se défendre contre le potentiel agresseur. Plusieurs approches et techniques sont alors utilisées pour construire un vaccin afin qu’il soit efficace. En clair, il ne doit pas être détruit dès son arrivée dans notre organisme. C’est pourquoi la majorité des vaccins en développement contre le Covid-19 ont opté pour un vaccin ARN/ADN encapsulé (avec une armature de protection). Il s’agit d’un vaccin adaptable dans sa conception et son signalement auprès de nos soldats de l’immunité comme étant un corps étranger.

L’ARN étant nécessaire à la production des protéines, il ne s’intègre pas dans nos gènes. Présent dans nos cellules mais sur une courte période, il sera rapidement éliminé de façon naturelle une fois son rôle rempli. Il est donc considéré comme un moyen sûr en termes de vaccination. De plus, ce type de vaccin met fortement en branle nos premières défenses du système immunitaire (réaction innée) permettant par la suite une meilleure préparation de notre corps au combat contre le virus. L’ARN messager est donc un élément passif d’information qui fait la transition entre notre ADN et les protéines. Toutefois, les ARN messagers ne sont qu’une toute petite partie de cette grande famille des ARN dans nos cellules. Ceux-là remplissent diverses fonctions comme activer ou désactiver nos gènes, servir de taxi pour d’autres molécules et participer à des réactions chimiques… Actuellement nous vivons une pleine expansion des recherches de ces molécules que sont les ARN dans différentes méthodes de thérapies car ils peuvent être autre chose que cet état de transition entre ADN et protéine. Pour notre ARN messager, autre que le vaccin du Covid-19, d’autres applications existent : le développement de vaccins anti-cancéreux personnalisés ou contre les maladies infectieuses comme le virus Zika… Cette petite molécule qui pendant très longtemps passait jusqu’ici inaperçue n’a donc pas fini de nous montrer son champ d’application.

 

Sources :

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2.   Camier, S. & Séraphin, B. Détruisez ce message (ARN) après l’avoir lu ! Med Sci (Paris) 23, 850–856 (2007).

3.   Caron, M. et al. Les inhibiteurs de la protéase virale du VIH affectent le facteur de transcription SREBP-1. Med Sci (Paris) 18, 657–659 (2002).

4.   Combadière, B. Immunité adaptative contre le virus SARS-CoV-2. Med Sci (Paris) 36, 908–913 (2020).

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6.   Dias, A., Bouvier, D., Cusack, S., Ruigrok, R. W. H. & Crépin, T. Nouvelle stratégie pour cibler la réplication du virus de la grippe. Med Sci (Paris) 25, 352–354 (2009).

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9.   Langelier, M.-F., Trinh, V. & Coulombe, B. Gros plan sur l’ARN polymérase II. Med Sci (Paris) 18, 210–216 (2002).

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20.Messenger RNA - an overview | ScienceDirect Topics. https://www.sciencedirect.com/topics/neuroscience/messenger-rna.

21.Quel vaccin contre le Covid-19 ? CNRS Le journal https://lejournal.cnrs.fr/articles/quel-vaccin-contre-le-covid-19.

22.Traduction: ADN en ARNm en protéine | Apprenez la science à Scitable. https://www.nature.com/scitable/topicpage/translation-dna-to-mrna-to-protein-393/.

 


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29 novembre 2020
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