Les soldats de l’immunité en action
L’infanterie et la cavalerie
L’immunologie se définit par l’étude du système immunitaire. Celui-ci est un ensemble de cellules, de tissus et de molécules qui vont se coordonner pour faire face à un corps étranger au nôtre pouvant provoquer une infection ou une pathologie. Il existe deux types d’immunité. D’une part, l’immunité innée, l’équivalent de l’infanterie, constituée de nombreuses cellules qui reconnaissent le danger et partagent l’information avec les cellules environnantes (les cellules dendritiques), et de cellules qui vont détruire la cible en libérant des molécules toxiques ou en les digérant (les granulocytes et les macrophages). L’immunité innée est dite non spécifique car elle va répondre immédiatement à une agression dirigée contre l’organisme. C’est la première ligne de défense contre nos ennemis jurés que sont les pathogènes car ces derniers se définissent par tout ce qui est capable de déclencher une maladie. D’autre part, l’immunité adaptative, notre cavalerie, qui arrive plus tardivement. Elle va répondre de façon spécialisée à l’intrus pour ensuite mémoriser son identité afin de parer rapidement une prochaine attaque. Au sein de cette immunité adaptative, on distingue une sous-catégorie : l’immunité humorale, qui est coordonnée par l’action des lymphocytes B (LB). Elle a pour rôle la production d’anticorps. Quant à la 2e sous-catégorie de l’immunité adaptative, l’immunité cellulaire, elle s’orchestre autour de différents types d’acteurs de la famille des lymphocytes T.
Figure 1 : Les cellules de l’immunité innée et adaptative (Source : Adapté de Nature Reviews Cancer, 4, 11-22, 2004.)
La défense et la mise en place de l’attaque
La reconnaissance des pathogènes se fait différemment selon les types d’immunité. Pour l’immunité innée, elle est basée sur la reconnaissance de motifs spécifiques, les motifs moléculaires associés aux pathogènes. Ces derniers sont le blason de l’ennemi, la signature du pathogène, et peuvent être des motifs de sucres, des segments d’ADN liés à une bactérie ou un virus. Les cellules de l’immunité innée sont également capables de reconnaître les motifs cellulaires associés aux dégâts. Lorsqu’une cellule est endommagée, certaines protéines, normalement à l’intérieur, se retrouvent exposées dans l’environnement autour de la cellule et sont perçues comme des signaux d’alarme. Ces petites molécules sont alors reconnues par des récepteurs de la même manière qu’une clé et une serrure. Cette interaction, tout comme un soldat sonnant la cloche, va déclencher un signal dans la cellule pour induire la mise en place de structures particulières (inflammasome, protéasome ou encore le phagosome) qui serviront de centre de renseignements et de prisons. L’ensemble de ces événements va finalement déclencher une réaction inflammatoire, une stimulation de l’immunité innée ainsi que le recrutement et la production de soldats. Le renfort de la cavalerie (l’immunité adaptative) se fait par l’envoi de messagers, les cytokines, dans l’environnement cellulaire. Ces dernières sont de petites protéines de signalisation fonctionnelle qui orchestrent l’interaction des cellules immunitaires dans l’environnement cellulaire.
Les renforts et la stratégie d’attaque
Concernant l’immunité adaptative, la reconnaissance des pathogènes se fait au niveau des organes lymphoïdes secondaires par l’intermédiaire de récepteurs aux antigènes (nos serrures) présents à la surface de nos cavaliers, des lymphocytes T et B (LT et LB). Les organes lymphoïdes secondaires sont le quartier général de notre armée. Ce sont des zones spécifiques où les cellules de l’immunité innée et adaptative se regroupent pour échanger des informations. Les lymphocytes B vont reconnaître directement les antigènes et se transformer en plasmocytes afin de produire des anticorps spécifiques à l’antigène reconnu. L’anticorps est l’équivalent d’une étiquette collée à notre ennemi qui indique en grosses lettres à tout son entourage qu’il est une cible à éliminer. Le pathogène, couvert d’anticorps, va être pris en charge par le Spartacus de notre infanterie, le macrophage, et n’en faire littéralement qu’une bouchée puisque celui-ci va phagocyter (engloutir), digérer et éliminer l’intrus. Cependant, les lymphocytes T, stratèges dans l’âme, ont besoin que les antigènes leur soient présentés par des molécules intermédiaires que sont les cellules présentatrices d’antigènes (APC : Cellules dendritiques, macrophages et LB). Ces cellules ont un rôle essentiel qui est de communiquer l’information aux cellules de l’immunité adaptative. Pour que les lymphocytes s’activent, il est nécessaire que plusieurs événements se mettent en place. Tout d’abord la synapse immunologique. Cette interaction peut être imagée par une poignée de main entre le colonel d’infanterie et la cavalerie avant de procéder à un échange d’informations sur l’ennemi. Cette liaison se fait plus précisément entre la protéine CMH (Complexe Majeur d’Histocompatibilité) et le récepteur des LT (TCR). Vient ensuite la présence de molécules de costimulation pour renforcer l’interaction, et enfin la libération de nos petits messagers, les cytokines. Notre cavalerie pourra alors intervenir en renfort dans la destruction de notre adversaire et surtout établir une mémoire immunitaire pour pouvoir réagir plus rapidement en cas de réinfection par le même pathogène.
Figure 3 : La synapse immunologique entre APC et LT (Source : Adapté de Kapsenberg, 2003)
Une fois la réaction immunitaire mise en place, l’ensemble des cellules immunitaires est activé pour détruire le pathogène. Les cellules de l’immunité vont faire de la phagocytose et libérer des molécules (perforine, granzyme) afin de bombarder le pathogène et perforer sa membrane pour l’anéantir. Cependant il ne faut pas que ces mécanismes de défense perdurent et il est nécessaire de stopper le système immunitaire afin d’éviter de causer des dommages tissulaires tels que la nécrose de cellules saines ou de la fondation cellulaire. Pour cela, plusieurs mécanismes vont s’activer. D’un côté, il y a les T régulateurs (Treg) dont le rôle, comme leur nom l’indique est de réguler la réponse immunitaire. Ils permettent de mettre en place une tolérance vis-à-vis des antigènes du soi et éviter les maladies auto-immunes. Ils sont à la fois médiateurs et acteurs comme le serait un sergent. D’autre part, il y a des mécanismes d’internalisation de récepteurs qui font que le soldat ne répondra pas aux messagers. Les cellules en apoptose ou inertes sont alors digérées par les macrophages ou restent simplement inactives dans le milieu cellulaire. Ces mécanismes servent de garde-fou pour éviter un emballement du système immunitaire.
Article rédigé par Anne Clerico
Références :
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